Depuis plus de trente ans, il réalise et expérimente des maisons sous-marines et des vaisseaux futuristes. Et rêve que l’humanité renoue avec ses origines. Architecte du monde sous-marin, il se considère plus comme un poète de l’océan qui, en ce début du XXIe siècle, n’a renoncé à aucun de ses rêves. On le dit Jules Verne des temps modernes, mais il s’attache à prouver, à l’image de son héros, qu’il se nourrit aux mêmes sources de l’aventure humaine et que c’est bien l’océan qui guide son souffle créatif.
Voyageur impénitent de l’imaginaire du grand écrivain visionnaire français il puise auprès de lui sa ferveur et sa foi en l’avenir à tel point qu’il en a adopté la maxime : « Tout ce qu’un homme peut imaginer, d’autres hommes sont capables de la réaliser ».
Il conçois et réalise ainsi depuis plus de trente ans des projets d’architecture marine originaux. Passionné par la bionique marine – la transformation des formes vivantes en formes construites, il s’en inspire pour construire des vaisseaux et des habitats qui apprennent à mieux vivre la mer et à mieux la comprendre. « Habiter la mer correspond à un désir profond chez l’homme, désir qui se place au niveau des grandes pulsions qui l’ont toujours guidé au cours de son évolution. »
Sensibilisé à la préservation de l’espace naturel, il est guidé par l’idée d’une nouvelle civilisation d’hommes intégrés au milieu subaquatique, les mériens, qui créeront leur propre mode de vie pour permettre de préserver les équilibres biologiques océaniques. Ainsi, il devient primordial pour l’architecte de conserver une osmose parfaite entre le milieu, la structure et l’homme qui devra y séjourner. Car le développement des maisons sous-marines ne passe pas uniquement par la résolution technologique du défi imposé par le milieu subaquatique. Il s’agit de créer un espace de qualité de vie où le comportement humain puisse s’épanouir. En ce qui concerne les lignes de force de son architecture, elles s’appuient la plupart du temps sur la parfaite image d’adaptation au milieu qu’offrent la flore et la faune sous-marines.
« Deux grandes aventures, les conquêtes spatiales et océaniques, ouvrent les perspectives pluridimensionnelles de notre futur. De part et d’autre du miroir, les pionniers des espaces céleste et sous-marin partagent finalement des rêves symétriques »
Entre le premier projet du « Village sous la mer » aux Iles Vierges (USA, 1973), conçu pour vivre et travailler sous la mer, et « Galathée », sa première maison sous-marine réalisée en 1977, il a souhaité développer avec force et conviction sa philosophie « d’habiter la mer » à travers de nombreux projets ayant par la suite vu le jour : « Hippocampe » (habitat subaquatique), « Aquabulles » (stations d’air immergées), « Aquascopes » (semi-submersibles d’observation sous-marine), « Aqualab » (habitat-laboratoire sous-marin) et « Aquaspace » (trimaran à voile à coque centrale transparente). Il a de plus souhaité à chaque fois, aller au bout de ma démarche en séjournant dans mes propres réalisations : traversée en 1985 de l’Atlantique dans la nacelle transparente et sous-marine de l’Aquaspace, premier Noël sous la mer, en 1981, à bord d’Hippocampe avec des enfants… En outre, il a effectué de nombreux séjours dans d’autres habitats sous-marins et notamment participé, en 1992, au record du monde de 70 jours sous la mer à bord de « Chaloupa » en compagnie de Rick Presley et Yann Koblic. Il a enfin participé en 2003 et 2004, au programme Neemo de la Nasa, une expérimentation d’un habitat sous-marin simulant un module spatial et dans lequel des astronautes s’entraînent sous la mer. Toutes ces multiples expériences sont venir enrichir sa culture de l’habitat sous-marin et étayer de nombreux projets son parcours créatif. Elles sont bien entendu à l’origine de tous ses projets actuels.
L’entrée dans le troisième millénaire lui a ainsi permis de faire la synthèse de toutes ces années de recherche en créant la « Symphonie de la Terre », une sculpture jaillissant de la mer, traduisant en musique toutes les vibrations de la Terre, puis une nouvelle génération « d’Aquaspaces » et « d’Aqualabs ». Toutes ces réalisations l’ont enfin amené à bâtir son projet phare actuel, Seaorbiter, une aventure humaine à travers les océans de la planète dans l’esprit des grandes expéditions de notre temps.
Sa vision globale d’une architecture depuis toujours largement empreinte de réflexion environnementale, notamment pour ce qui est de l’empreinte que l’homme peut laisser dans le domaine maritime, lui a permis d’être sélectionné par le Prince Albert II de Monaco pour participer au grand projet d’Urbanisation en baie de Monaco que ce dernier a lancé en 2007. C’est cette même vision qui lui permet de naviguer aujourd’hui entre la Corée du sud et les Emirats Arabes Unis en passant par le Turkménistan, l’Inde ou la Turquie.
Très attaché au monde des enfants comme aux valeurs éducatives et aux outils pédagogiques, il est naturellement conscient que la société doit intégrer les bases de l’enseignement du monde marin. C’est pour cela qu’il est aussi l’architecte de centres culturels et scientifiques de la mer, terrestres ou sous-marins. C’est ainsi qu’il a réalisé des projets en France et à l’étranger, aussi bien pour des villes comme Boulogne-sur-Mer (Nausicaa), Brest (Océanopolis), Paris (lauréat du concours de l’aquarium du Trocadéro) ou Osaka, au Japon.
Grand plongeur très attaché aux valeurs éducatives et aux outils pédagogiques, il est pour l’enseignement du monde sous-marin comme élément clé de la construction des sociétés de demain.
Toujours à cheval entre les deux grandes aventures de notre temps, l’exploration spatiale et celle du monde sous-marin, il continue de participer au programme des maisons sous-marines américaines, notamment aux côtés de Bill Todd, son ami de la Nasa, responsable du programme Neemo d’entraînement des astronautes sous la mer.
Son agence a essentiellement été marquée dans ses premières années (1972 – 1981) par l’élaboration de projets spécifiquement marins et la mise en œuvre d’une nouvelle architecture capable de répondre aux défis que l’univers marin impose à l’architecte. Il y a puisé non seulement une culture et un goût pour les technologies de pointe mais aussi un savoir faire capable aujourd’hui de donner une expression architecturale spécifique et originale à chaque thématique de projet.
Très influencé par la nécessité d’intégrer toute structure humaine dans le paysage naturel et culturel environnant, son travail d’architecture se démarque aussi par sa capacité à se projeter dans un futur immédiat sans renier les alliances avec le traditionnel et le natif. Il en résulte une capacité à gérer avec autant de d’intérêt et de passion des architectures douces intégrant le bois (aménagement littoral en mer de Banda, Indonésie) que des envolées couvrantes de béton blanc et des arrondis miroirs évoquant une plate-forme de lancement spatial (Centre National de la Mer de Nausicaa, Boulogne sur mer), en passant par la fluidité métallique d’un équipement en deux ailes exprimant les technologies d’avenir (Institut francilien d’Ingénierie, Noisy-le-Grand), les lignes de métal horizontales et profilées avec effet de vitesse (usine Larousse de Formule 1, Signes), les formes bioniques arrondies signalant la fonction éducative et de connaissance des océans (Centre de la Mer Océanopolis, Brest), la corolle de verre et les structures antisismiques d’un Pavillon de la mer et d’un aquarium nouvelle génération déroulant l’eau autour de ses visiteurs (Exposition Internationale de la mer Portopia 2000, Kobé, Japon), les superstructures haubanées et un édifice nervuré déclinant les arts et techniques de l’Air (Cité des Voiles, Gravelines), la transparence aquatique appelant la gestion planétaire de l’Eau (Cité de l’Eau, Paris) ou encore les lignes de force d’une proue de bateau mêlant passé et futur (projet de Centre de la mer de Phukhet, Thaïlande).
Aujourd’hui dans le monde des architectes, on parle résilles, doubles peaux et exosquelettes, toitures végétalisées et façades photovoltaïques, gestion de la lumière, de l’ensoleillement et des énergies renouvelables… et l’architecture simplement constructive a laissé la place à une véritable réflexion durable où le design est aujourd’hui indissociable d’un concept environnemental fort que ce soit pour bâtir des tours à énergie positive, des logements à faible consommation énergétique ou encore des musées bioénergétiques.
Tout geste architectural doit aujourd’hui nécessairement s’accompagner d’une réflexion globale poussée sur la durabilité et la responsabilité envers les générations futures. A l’heure où la compatibilité des technologies et de l’environnement se présente comme l’un des grands défis du 21e siècle, l’architecte essaye de poser comme préalable et ligne d’équilibre essentiels au travail de son équipe la nécessaire approche sociologique, environnementale et écologique de tous ses projets architecturaux. Et si les réalisations en cours (Musées, Centres de la Mer, Centres Nautiques, Aéroports) montrent une certaine diversité créatrice, son expertise et sa vocation éminemment aquatiques, tant dans les domaines culturels et pédagogiques, que dans ceux des sciences et de la technique, demeurent le fer de lance de son travail. Car c’est là sa passion.
Bien sûr il voue une réelle admiration pour le capitaine Nemo et son créateur. Mais il reste avant tout un éternel passionné de la grande aventure humaine et grâce à quelques amis, illustres explorateurs, navigateurs ou astronautes, il peut englober dans une même vision les chemins de la découverte de deux univers qui se ressemblent. « Deux grandes aventures, les conquêtes spatiales et océaniques, ouvrent les perspectives pluridimensionnelles de notre futur. De part et d’autre du miroir, les pionniers des espaces céleste et sous-marin partagent finalement des rêves symétriques… »
C’est enfin tout cela qu’il a voulu perpétuer en créant la Fondation Jacques Rougerie Génération Espace Mer au sein de l’Institut de France où il a eu l’honneur d’être élu à l’Académie des Beaux Arts. Cette fondation veut encourager, sur le plan international et de manière pérenne, l’éveil, la sensibilisation et l’action de tous, et notamment des jeunes générations, à la nécessaire préservation de l’environnement naturel. La Fondation souhaite ainsi les aider à créer et bâtir un futur plus respectueux de cet environnement qu’ils se doivent aujourd’hui d’intégrer à leur cadre de vie pour mieux le sauvegarder.
http://pierresvives.herault.fr/vid%C3%A9o/perspectives-habiter-la-mer